2022 – Nancy

2022 – Nancy

Xème COLLOQUE INTERNATIONAL DE LOPHRIS, NANCY 2022

FORMATION AUX PRATIQUES INCLUSIVES : TENSION(S) ENTRE REPRODUCTION ET INNOVATION
Les 8 et 9 juin 2022, à Nancy

TEXTE DE CADRAGE

Penser la formation des éducateurs, des enseignants, des formateurs ou encore des chercheurs sous le prisme de l’éducation inclusive est une dimension des plus attendues par les politiques publiques en France, mais qui n’en demeure pas moins récente et inédite. Récente, car elle se découvre à l’aune d’une demande fonctionnelle qui, à partir des années 2005 vise à rendre possible l’accès au système éducatif ordinaire pour les élèves handicapés, du primaire à l’université. Inédite, car cette demande dépasse même les frontières du système éducatif stricto sensu et concerne désormais et de droit celles des professionnels de l’enfance, du social, de la santé tout comme celles de la sphère privée des parents. Elle se découvre alors comme un « défi » (Ebersold et Detraux, 2003 ; Plaisance, 2006 ; Benoit, 2008), avec une scolarité pour ces publics qui reste d’ailleurs particulièrement heurtée dans un environnement éducatif inégalitaire (Suau, 2016), jusqu’au cœur même de l’activité d’apprentissage des élèves BEP (Pelgrims, 2010 ; 2016 ; Assude, Perez, Suau et Tambone, 2018), et n’a pas encore permis pas encore, d’impulser un changement de la forme scolaire et de normativité (Perez, 2018).

C’est dans ce contexte, que les formations à l’éducation inclusive se développent. Elles sont d’ailleurs encouragées par des modalités de travail alliant recherche et formation (Ebersold, Plaisance et Zander, 2016), tout comme par des approches collaboratives de la formation, entendues de façon générale comme « des recherches et des formations dans lesquelles il y a une action délibérée de transformation du quotidien (Hugon et Seibel, 1988, p.13). Cette orientation singularise une formation aux pratiques inclusives, qui est souvent perçue comme partagée (Piot, Marcel et Tardif, 2007), engendrant des modes de co-construction des savoirs et des compétences, une formation invitant les acteurs formateurs-chercheurs-enseignants à comprendre, identifier, planifier ensemble et à mettre en œuvre des situations de travailproduites collectivement.

Mais si ce type de formation est de plus en plus valorisé pour faire avancer une production de connaissances et des usages sur la question inclusive, d’autres travaux mettent également en garde sur une illusion quant à ses effets. Dans l’ouvrage dirigé par Pelgrims, Assude et Perez (2021), l’enquête menée par Toullec-Théry sur son dispositif d’ingénierie coopérative fait émerger de redoutables obstacles, malgré la mise en place d’un équipement praxéologique hautement technique. Dans une autre étude portant sur la formation des futurs enseignants à̀ l’inclusion et aux plurilinguismes, Macaire et Behra (2020) mettent en évidence dans les interrelations au sein d’un groupe en formation des tensions, voire des paradoxes ou encore des régressions dans l’appropriation des savoirs. Les chausse-trappes de la formation à travers letravailler ensemble sont donc nombreuses et peuvent être sources d’injonctions paradoxales

avec leur cortège de souffrances associées. Or, si un paradoxe ne peut être réduit, ne peut-il être néanmoins examiné de façon à permettre aux acteurs de changer de perspective ou comme l’écrivait Bachelard de « désyncrétiser ses images premières » ? C’est cette question qui fait l’objet des interrogations de la dixième édition du colloque international OPHRIS.

Ainsi, ce colloque se donne-t-il pour objectif de mettre au travail les questions que pose l’éducation inclusive à la formation. Car si toute formation a comme visée de produire du changement, dans le cas de l’éducation inclusive, comme dans d’autres innovations, elle implique théoriquement la transformation de ses propres conceptions, dispositifs, contenus, modalités. Or, nous assistons à de nombreuses résistances du système, au poids des routines praxéologiques, exacerbant des tensions entre reproduction et innovation. Reproduction car toute formation suppose de susciter le développement de savoirs et savoir-faire, lesquels peuvent cependant s’ancrer plus ou moins dans une visée inclusive. Innovation car toute formation interroge à travers les limites du système actuel, les conditions, les petits pas du quotidien, les réflexions qui rendent possible un dépassement des problèmes professionnels, un autre possible au risque de tous les égarements. S’agit-il dans ces formations de travailler en priorité sur les diagnostics, les troubles des élèves reconnus ou déclarés à besoins éducatifs particuliers ? S’agit-il de porter attention aux institutions qui leur assignent leurs objectifs et dans lesquelles ces formations s’inscrivent ? Ou encore, s’agit-il de se placer dans une approche interrogeant prioritairement les conditions d’émergence de l’accessibilité à tout pour tous ? Entreprendre de répondre à ces questions conduit à en poser une nouvelle, à propos des façons dont l’éducation inclusive est pensée ou impensée par tous les acteurs (Barry, 2021), qu’ils soient destinataires ou destinateurs de la formation.

Former, c’est ce qui permet d’identifier et de reproduire certes, mais c’est aussi ce qui permet d’innover dans des institutions qui favorisent ou qui font obstacle à ce projet. En s’accordant toutes sur ce postulat, les interventions contribueront à l’un des trois axes thématiques enrichissant le débat :

Axe 1 : une réflexion théorique centrée sur la formation, prise dans une tension entre innovation, reproduction et injonction paradoxale dès lors qu’elle s’intéresse aux pratiques inclusives.

Axe 2 : une réflexion portant sur les dispositifs et les approches de formation, sur les méthodes de recherche faisant formation.

Axe 3 : une réflexion qui interroge les situations de formation sous l’angle des acteurs, de l’activité déployée, des expériences, des contenus et leur élaboration subjective, des répercussions effectives sur les pratiques.